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Maladie du coeur: une seconde chance

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Nancy Côté et sa fille. (Crédit photo : Courtoisie)

19 févr. 2020 08:59

SOCIÉTÉ. Enceinte pour la première fois à 31 ans, l’Apollinairoise Nancy Côté, sentait que quelque chose n’allait pas bien. Active et en santé, elle a vu sa condition physique se détériorer pendant les derniers mois de sa grossesse. Ce que les médecins interprétaient comme des symptômes normaux liés à son état étaient en réalité la sonnette d’alarme de quelque chose de beaucoup plus grave. Son cœur était en train de lâcher.

Pendant des années, Nancy Côté et son conjoint ont tenté d’avoir un bébé, mais sans succès. Finalement, en 2015, des traitements de fertilité lui permettent de porter son premier enfant. Pourtant, la condition qu’elle a développée, sans raison apparente, a failli faire en sorte qu’elle ne soit plus là pour le voir grandir.

Lorsqu’elle a reçu le diagnostic de cardiomyopathie du péripartum, quelques semaines avant son accouchement, l’univers de Nancy s’est écroulé. «C’est une insuffisance cardiaque causée par la grossesse. Elle détruit le cœur. Il y a des filles qui ne s’en remettent pas.» En fait, à l’époque, son cœur pompait à peine à 20% de sa capacité. Sa vie était en danger.

Fatigue, essoufflement, respiration sifflante et insomnie ont ponctué son quotidien pendant les derniers mois de sa grossesse. Des pertes de conscience se sont ajoutées en fin de parcours. C’est ce qui a mis la puce à l’oreille aux médecins. Au début, ils s’inquiétaient pour la santé du bébé, mais ils ont constaté rapidement que c’est elle qui avait besoin d’aide.

«Quand ils surveillaient le bébé, tout allait bien. Quand ils prenaient mon rythme cardiaque, ils croyaient, au départ, qu’ils captaient le cœur du bébé puisque c’était trop vite. […] Finalement, c’était le mien. Même au repos, il battait à 185. C’est là qu’ils ont commencé à s’inquiéter. J’en étais à 34 semaines et à partir de là tout est allé très vite.»

Le seul traitement possible était l’accouchement et le risque qu’elle ne s’en sorte pas était réel. Une semaine plus tard, une petite fille en pleine santé naissait par césarienne et Nancy a survécu. Pourtant, rien n’était gagné. Elle a passé les deux semaines qui ont suivi aux soins intensifs sous une forte médication et a été opérée au cœur. On lui a installé un stimulateur cardiaque.

«On m’a donné un an pour reprendre des forces, mais c’étaient les premiers six mois qui étaient vraiment critiques. Je pouvais faire un arrêt cardiaque n’importe quand, mon cœur pouvait rester à 20% pendant toute ma vie.»

L’après…

Miraculeusement, son cœur a récupéré rapidement. L’objectif d’être réuni avec sa fille et d’être mère a aidé à sa guérison, croit-elle.

«Je suis revenue à la maison. J’ai commencé la convalescence à travers mon congé de maternité. Mon chum est resté quatre mois avec nous. Ensuite, j’ai été capable de m’occuper de mon enfant toute seule. Au début, je ne pouvais pas soulever plus de cinq livres, je ne pouvais pas prendre ma fille.»

Si physiquement, elle allait de mieux en mieux, émotionnellement ce n’était pas le cas. «Il a fallu que je fasse plusieurs deuils. Je n’ai pas vu ma fille pendant ses premiers jours, je ne l’ai pas allaitée, je n’ai pas pu la prendre. Je n’ai pas été là pendant ses deux premières semaines de vie. Je suis arrivée ici, je ne la connaissais pas. […] J’avais peur de mourir devant elle.»

Cette peur, accompagnée de flashbacks, de cauchemars et d’anxiété l’a habitée pendant longtemps. Le résultat, après une thérapie et des suivis en psychologie : un choc post-traumatique.

Quatre ans plus tard, Nancy Côté a récupéré et est plus sereine. «Les souvenirs ne sont plus aussi vifs, mais je reste toujours vigilante à propos de mon corps.»

Si elle a décidé de partager son histoire, c’est qu’elle veut lancer un message aux autres femmes. «Personne d’autre ne sait plus que nous-même quand on ne file pas. Lorsque l’on sent que cela ne va pas bien, il faut s’écouter et aller voir pour avoir un deuxième et un troisième avis. Il faut insister.»

 

Du travail à faire malgré les avancées

Les maladies du cœur et l’AVC sont encore aujourd’hui la principale cause de décès prématuré chez la femme. L’une des raisons c’est que les deux tiers des études cliniques portent sur les hommes. Pourtant, il y a de l’espoir. La Fondation Cœur + AVC finance depuis quelques années des recherches qui permettent de comprendre ces différences et d’être en mesure de mieux adapter les traitements.

«Les gens se sont mis à critiquer les études qui ont été faites et qui n’incluaient pas un nombre égal d’hommes et de femmes. Sur la planète, il y a environ 51% de femmes et 49% d’hommes. […] Il y a eu des biais qui ont fait qu’on n’a pas toujours eu assez d’information sur les femmes par rapport à la maladie cardiaque», a expliqué le cardiologue à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ), Dr Mario Sénéchal.

Dans son bulletin Pleins feux 2020, L’égalité des chances, la Fondation présente des femmes qui ont vécu des problèmes cardiaques et qui ont eu la vie sauve grâce aux avancées des dernières années et à l’adaptation des traitements. Toutefois, croit le Dr Sénéchal, il reste encore beaucoup d’éducation à faire dans la population et dans le corps médical.

Il indique que les femmes ont «faussement l’impression» d’être protégées contre les maladies coronariennes. S’il est vrai qu’avant la ménopause, le risque est moins grand, le danger s’accroît après.

«En plus de ne pas reconnaître le fait qu’elles peuvent avoir une maladie coronarienne comme les hommes. Elles éprouvent des symptômes différents. […] Souvent, la femme va se plaindre de douleurs à l’épaule, à l’avant-bras ou à la mâchoire. Elles ne consulteront pas puisque ce n’est pas le symptôme classique et lorsqu’elles se présenteront à l’urgence, il semble avoir un délai dans la reconnaissance par le personnel médical.»

S’ajoutent les facteurs de risques : cigarette, obésité et diabète qui ont un impact beaucoup plus important sur la santé cardiovasculaire des femmes.

D’un autre côté, lorsqu’elles font un infarctus, elles répondent moins bien au pontage ou à la dilatation, ce qui peut entraîner plus d’insuffisance cardiaque.

Des maladies plus féminines

S’ajoutent également deux maladies qui s’attaquent en majorité aux femmes. C’est notamment le cas de la dissection spontanée de l'artère coronaire (déchirement d’une artère). Plus de 80% des cas répertoriés touchent des femmes relativement jeunes (environ 42 ans). L’autre, la cardiopathie de stress, est une insuffisance cardiaque aiguë déclenchée par un épisode sévère de stress.

 

 

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