Cette décision renverse celles de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) ainsi que du Tribunal administratif du travail (TAT), qui affirmaient plutôt qu’il ne s’agissait pas d’un accident de travail.
«Cette victoire est en l’honneur de mon père. Je suis tellement heureuse du soutien que nous avons reçu. Toute la famille est très reconnaissante», a déclaré, du Guatemala, Maria Teresa Lares Batzibal, fille du défunt. Les propos de Mme Lares Batzibal ont été relayés par le biais du Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ).
«C’est l’aboutissement de quatre années de travail et d’accompagnement pour rendre justice à la famille de M. Batzibal. Les travailleurs étrangers temporaires ne sont pas des salariés comme les autres : toutes les sphères de leur vie tournent autour de leur lien d’emploi. Nous saluons la décision de la Cour d’appel, qui établit clairement le lien entre l’emploi occupé par le défunt et son décès», s’est réjouie la directrice adjointe du RATTMAQ, Véronique Tessier.
Fil des événements
M. Batzibal, originaire du Guatemala, travaillait pour son employeur depuis plusieurs années. Dans le cadre de ses tâches, il était autorisé à conduire les véhicules de l’entreprise. Il pouvait également les conduire pour amener ses confrères à l’épicerie ou à des parties de soccer.
Le jour de l’accident, le 18 juillet 2021, M. Batzibal travaillait aux champs et une crevaison survient sur le véhicule qu’il utilisait pour transporter des outils. Une réparation est effectuée par un actionnaire de l’employeur alors que de M. Batzibal est à ses côtés. Vers 17h, il emprunte le même véhicule pour accompagner ses collègues à une partie de soccer au village voisin. Il laisse ses compagnons sur les lieux et retourne à la ferme pour revenir avec un autre véhicule.
De retour à la ferme, il décide de retirer le pneu crevé et de le remplacer par le pneu de secours qui est accroché sous le véhicule. Le rapport de la CNESST indique qu’il a pris un cric brisé qui se trouvait dans le garage de l’employeur. Finalement, ce sont les efforts que M. Batzibal a faits pour déloger le pneu qui se trouvait sous le véhicule qui a fait céder le cric et entraîner la chute du véhicule sur lui.
Dans le cadre du travail
Bien que le décès ne soit pas survenu pendant les heures de travail, la Cour d’appel souligne que la victime avait effectué les réparations sur le véhicule pour qu’il puisse être utilisé de nouveau le lendemain matin.
«Le TAT a conclu que M. Batzibal agissait dans sa sphère personnelle et que l’événement au cours duquel il a perdu la vie n’avait aucun lien avec ses fonctions, ce qui n’est pas le cas. […] En outre, la réparation effectuée aurait certes été utile à l’Employeur si M. Batzibal avait réussi à la compléter», peut-on lire dans l’argumentaire de la juge Julie Dutil et soutenu par la juge Marie-France Bich.
Elle poursuit en soulignant le fait que M. Batzibal aurait pu décider de laisser le véhicule au garage, en prendre un autre et «rejoindre ses compagnons sans délai à la partie de soccer». Il en a cependant décidé autrement en effectuant immédiatement la réparation «afin de s’assurer que le véhicule serait prêt pour le travail le lendemain, et ce, au bénéfice de l’employeur pour lequel il travaillait depuis plusieurs années».
La juge Dutil rappelle également que d’après le rapport de la CNESST, c’est en utilisant un outil défectueux appartenant à l’employeur que l’accident est survenu.
Quant à la juge en chef, Manon Savard, qui a rejeté l’appel, elle souligne que le «TAT a pris “en considération la preuve versée au dossier et la trame factuelle générale qui ont une incidence sur sa décision. Il ne s’est pas mépris sur celle-ci”».