Par Anthony Pham - Collaboration spéciale
Nous débutons ce mois-ci par la seigneurie de Gaspé, qui correspond au territoire actuel des municipalités de Saint-Agapit et de Saint-Apollinaire. Voici un récit inspiré du contenu présenté sur le site Internet de Patrimoine et histoire des seigneuries de Lotbinière.
Le 29 octobre 1672, l’intendant Jean Talon concède une seigneurie à Claude-Sébastien de Villieu. Toutefois, ce dernier, engagé principalement dans la carrière militaire, ne dispose ni du temps ni des ressources nécessaires pour en assurer la mise en valeur. Par conséquent, la seigneurie est vendue par ordre du gouverneur à Pierre-Noël Le Gardeur de Tilly le 31 août 1700. Ce nouveau propriétaire entreprend activement son développement.
Sa fille, Angélique Le Gardeur, épouse Aubert de Gaspé, seigneur de Saint-Jean-Port-Joli. Devenue veuve, elle obtient à son tour une concession, le 25 mars 1738, de la part de l’intendant Hocquart. Il s’agit d’une seigneurie d’une lieue et demie — environ quatre milles par quatre — adjacente à la limite sud de la seigneurie de Tilly. Ce nouveau fief reçoit officiellement le nom de Gaspé. À cette époque, il ne s’agit toutefois que d’un placement foncier, et aucun colon ne s’y installe.
La conquête britannique de 1760 transforme profondément l’économie de la colonie. Les nouveaux conquérants, souvent issus du monde des affaires, investissent massivement dans les terres. Ainsi, le 27 juin 1798, Ignace Aubert de Gaspé, petit-fils d’Angélique, vend la seigneurie à Sir William Brown, un négociant new-yorkais. Quatre ans plus tard, le 29 octobre 1802, elle est acquise par Henry Caldwell, déjà propriétaire de la seigneurie de Lauzon.
À cette époque, les terres riveraines du fleuve Saint-Laurent sont presque toutes développées. L’intérêt se porte désormais vers l’intérieur. En 1806, l’ouverture d’un chemin entre Saint-Nicolas et la future paroisse de Saint-Gilles de Lotbinière facilite l’accès à la seigneurie de Gaspé.
En 1822, Benjamin Rousseau, né à Saint-Nicolas, obtient une concession de deux arpents par trente dans la seigneurie. Il y commence le défrichement à l’automne 1823, devenant ainsi l’un des premiers bâtisseurs de l’actuel village de Saint-Apollinaire. Trois ans plus tard, on y compte déjà 54 chefs de famille établis.
En 1829, à la suite de la saisie des biens de John Caldwell (fils de Henry), la seigneurie passe entre les mains de Moses Hart, un homme d’affaires trifluvien. Ce dernier y exploite les ressources forestières, grâce à des contrats octroyés à des cultivateurs-bûcherons. Ce système, semblable à la sous-traitance, permet de récolter du bois sans engager de capitaux importants.
Son fils hérite du domaine et en demeure propriétaire jusqu’à l’abolition du régime seigneurial, en 1854. C’est aussi le 21 février de cette même année qu’a lieu l’érection civile officielle du village de Saint-Apollinaire.